Camille Henrot, The Pale Fox
Bétonsalon – Centre d’art et de recherche a le plaisir d’annoncer la première exposition personnelle de l’artiste française Camille Henrot dans une institution publique parisienne. The Pale Fox est un environnement immersif qui poursuit la recherche entamée par l’artiste avec son film Grosse Fatigue (2013) récompensé par le Lion d’argent à la 55ème Biennale de Venise. Alors que Grosse Fatigue faisait le pari de raconter l’histoire de l’univers en treize minutes, The Pale Fox est une méditation sur le désir intime de chacun de comprendre le monde à travers les objets qui l’entourent. Comme l’explique Camille Henrot : « Le sujet principal de l’installation The Pale Fox est celui de la curiosité maladive, cette envie irrépressible d’agir sur les choses, de poursuivre des buts, de réaliser des actions dont les conséquences finissent par immanquablement par se retourner contre leur auteur. »
Dans une cellule spécifiquement construite pour l’exposition, plus de 400 photographies, sculptures, livres et dessins – achetés sur eBay pour la plupart, pour certains empruntés à des musées, pour d’autres trouvés ou produits par l’artiste – sont présentés sur un ensemble d’étagères dessinées par Camille Henrot. A chacun des quatre murs de cet espace tout à la fois physique et mental, mais aussi presque domestique – ce pourrait être celui d’une chambre, un espace habité – est associé un élément naturel, un point cardinal, un âge de la vie et un principe philosophique de Leibniz : entamée par « le principe de l’être » (où tout commence : naissance et enfance), l’installation se poursuit avec « la loi de la continuité » (où tout se développe : croissance et adolescence), puis se pose sur « le principe de raison suffisante » (là où sont les limites : âge adulte) et s’arrête sur le « principe des indiscernables » (comment les choses s’altèrent et disparaissent : vieillesse).
Il existe selon les termes de Camille Henrot un « excès de principes » dans The Pale Fox. C’est dans ce « délire de groupement » pathologique et quasi érotique que l’arbitraire redevient possible. Il n’y a pas d’harmonie sans disharmonie, pas de connaissance sans accumulation ni sans déception de la vie. Le son « ambient » interrompu par des quintes de toux de l’exposition, composée par le musicien Joakim renforce ce sentiment par son caractère tout à la fois protecteur et atemporel. La frise narrative proposée par The Pale Fox est conçue comme une parabole dynamique de l’échec constitutif à toute velléité d’appréhension de la globalité. « Ce que j’ai voulu faire avec The Pale Fox c’est tourner en dérision la volonté de construire un environnement cohérent car malgré tous nos efforts pour bien faire on finit toujours par avoir un caillou qui traîne dans la chaussure ».
Ce caillou qui traîne dans la chaussure, principe perturbateur mais nécessaire, est assimilé par Camille Henrot au Renard Pâle, personnage du livre éponyme de Marcel Griaule et Germaine Dieterlen paru en 1965. Cette étude anthropologique des Dogons d’Afrique de l’Ouest a profondément transformé la réception occidentale des cultures africaines, en faisant état d’une cosmogonie ancestrale complexe recouvrant des éléments de physique, d’astrophysique, d’agriculture, de biologie moléculaire, ainsi que de mathématique et de métaphysique. Dans ce mythe des origines, le dieu Ogo, le Renard Pâle, incarne le désordre dans sa dimension avide et impatiente, mais aussi créatrice. « C’est cela que j’aime dans la figure du renard : il n’est ni mauvais ni bon, il est ce qui gène, altère, modifie un schéma originel qui se voulait parfait et équilibré. Le renard est en ce sens un antidote à l’esprit d’un tel système, ce qui le travaille de l’intérieur. » Méditation sur l’ordre et le désordre, The Pale Fox s’adresse au caractère coupable, tragique de l’espèce humaine dans sa dimension la plus dérisoire : celle, dit Bataille, qui s’incarne dans le moment de se couper les ongles, ou de mettre ses chaussettes. Mise en scène d’une tentative impossible et fétichiste d’ordonner les idées et les objets, l’exposition n’en livre pas moins son univers clos au potentiel libératoire d’un renard insatiable.
Dans la lignée de la collaboration initiée en 2012 par Camille Henrot dans le cadre du Smithsonian Artist Research Fellowship (Washington DC) pour la préparation de Grosse Fatigue, The Pale Fox a été nourri d’un partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle de Paris. Une série de conversations réunissant artistes, scientifiques et conservateurs de musées se tiendra à l’automne entre Bétonsalon – Centre d’art et de recherche et le Muséum national d’Histoire naturelle ; elle sera inaugurée par une intervention de Camille Henrot le 24 septembre 2014. Un livre d’artiste coédité par Bétonsalon – Centre d’art et de recherche paraîtra en 2015.
- Vue de l’exposition de Camille Henrot, "The Pale Fox". Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, Paris, 2014. © Aurélien Mole
À propos de Camille Henrot
Camille Henrot (née en 1978 en France) vit et travaille à New York. Son travail a bénéficié d’expositions solos au New Museum, New York (2014) ; au Schinkel Pavillon, Berlin (2014) ; au New Orleans Museum of Art (2013) ; à la Slought Foundation, Philadelphia (2013) ; et chez kamel mennour, Paris (2012). Elle a également participé à de nombreuses expositions collectives, parmi lesquelles Companionable Silences, Nouvelle Vague, Palais de Tokyo, Paris (2013) ; A Disagreeable Object, SculptureCenter, New York (2012). Camille Henrot a reçu le Lion d’argent à la 55ème Biennale de Venise en 2013 et est actuellement nominée pour le prix Hugo Boss 2014. Elle est actuellement co-commissaire avec Ruba Katrib de l’exposition collective Puddle, Pothole, Portal qui ouvrira ses portes au Sculpture Center de New York en octobre 2014.
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Une exposition coproduite par Bétonsalon – Centre d’art et de recherche, Paris, Chisenhale Gallery, Londres, Kunsthal Charlottenborg, Copenhague, Westfälischer Kunstverein, Münster où elle est successivement réagencée entre 2014 et 2015.
Un projet soutenu par le SG / SCPCI / DREST du ministère de la Culture et de la Communication dans le cadre de l’appel à projet de recherches « Pratiques interculturelles dans les institutions patrimoniales », ainsi que par le Curating Contemporary Art Programme of the Royal College of Art dans le cadre du MeLa* European Museums in an age of migrations Research Project.
Nous remercions les galeries kamel mennour, Paris, Johann König, Berlin et Metro Pictures, New York pour leur soutien ainsi que le sponsor de l’exposition : Saint Maclou & Leroy Merlin & iGuzzini.
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