Événements
ÉVÉNEMENTS PASSÉS
Les événements publics liés à l’exposition Un corps blanc exquis ont été conçus par Lotte Arndt en partenariat avec Temporary Gallery, Cologne. Ils forment un cycle intitulé Objets troublants, objets inquiets. Au-delà des certitudes classificatoires (Disturbing Objects, Disquiet Objects. Going Beyond Classificatory Certainties).
À Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, Paris
- Aykan Safoğlu – image extraite de Off-White Tulips, 2013, vidéo, 24 min.
Samedi 9 septembre, 15h
Résidences précaires (Precarious Homes) avec Jamika Ajalon, Candice Lin, Aykan Safoğlu, projection d’Off-White Tulips (2013) d’Aykan Safoğlu (film sélectionné par Clara López Menéndez)
*En anglais / In English
La déclaration de James Baldwin selon laquelle il ne se sentait chez lui que là où il était étranger atteste de son expérience prolongée de non-appartenance. Ses déplacements fréquents en dehors des Etats-Unis, ses exils et ses voyages apparaissent comme des stratégies précaires pour échapper au racisme et à l’homophobie, sans jamais y parvenir. Son désir de stabilité domestique, jamais pleinement assouvi, était intimement lié aux discriminations racistes systémiques comme individuelles, et aux efforts incessants qu’il déploya pour lutter contre celles-ci.
Au-delà des États-Unis, les séjours étendus de l’écrivain à Paris, à Istanbul et à Saint-Paul-de-Vence formèrent des étapes plus ou moins hospitalières, au cours desquelles des amitiés fortes se constituaient, le soulageant momentanément de ses souffrances émotionnelles et sociales, des contraintes collectives et individuelles.
Dans les écrits de Baldwin, le foyer est décrit comme le résultat précieux et précaire d’un engagement émotionnel audacieux, défiant les normes, et moquant les catégories et les tabous raciaux et sexuels. Un don de soi qu’il décrit dans La Chambre de Giovanni comme « la puanteur de l’amour ». Les rassemblements nocturnes débordants qui avaient lieu sur la terrasse de sa maison en Provence ont inspirés The Welcome Table, l’un de ses derniers textes, laissé inachevé. Aujourd’hui menacé par la construction d’appartements de luxe, l’endroit abritait une communauté constituée par des proches et des inconnu.e.s devenant ami.e.s, passant leurs nuits à discuter, à se confronter, à se réconcilier en prenant soin les un.e.s des autres.
Les artistes participant à cet événement public ont choisi de se rapporter à Baldwin à partir d’affinités électives, de faire résonner leurs trajectoires diasporiques avec les errances qui jalonnèrent la vie de l’écrivain, et de négocier les frontières perpétuellement changeantes des attributions raciales et des désirs sexuels.
15h Visite commentée de l’exposition avec Candice Lin
15h45 Accueil et introduction avec Lotte Arndt, Lucas Morin (commissaires de l’exposition) et Regina Barunke (Temporary Gallery, Cologne)
16h Squatting Giovanni’s Room (Squatter la Chambre de Giovanni) par Jamika Ajalon, une anti-conférence audio-visuelle
« Cette conférence performative se concentrera sur les complexités de l’altérité telle que décrite dans les textes de Baldwin. Elle se basera sur ses œuvres Notes of a Native Son, Another Country, et Giovanni’s Room (La Chambre de Giovanni). Les fragments issus de ces textes s’entremêleront à une autobio-mythographie : Baldwin ne m’a pas simplement rassurée à une période où je me sentais aliénée ; il m’a également poussé à regarder les choses avec un œil « futuriste », par-delà les conceptions essentialisées de l’identité. Alors que le discours hégémonique blanc proposait une polarisation simplifiée du « blanc vs noir » et que les codes en usage dans une large partie de la rhétorique afrocentrée excluait les expériences queer et alternatives des personnes racisées, les récits de Baldwin aux multiples facettes articulaient généreusement les complexités des identités intersubjectives. Elles ont fourni un refuge précaire pour l’expérience diasporique qui était la mienne, celle d’une féministe noire américaine qui a vécu et travaillé en Europe depuis presque 20 années.
Cette anti-conférence audio-visuelle résidera dans un espace intermédiaire toujours en mouvement, alimenté de sons, d’apartés philosophiques, de vidéos, de prose et de poésie, le tout abordé à travers un prisme afro-futuriste. »
À propos de Jamika Ajalon
Jamika Ajalon est une artiste interdisciplinaire ayant collaboré avec des créatifs du monde entier. Ses médiums sont la création orale et écrite, le son, la photographie, la vidéo et la musique. Elle a grandi aux Etats-Unis, et a obtenu un diplôme de l’université Goldsmiths de Londres. Elle vit et travaille en Europe depuis 20 ans.
16h45 Pause
17h Projection de Kirik Beyaz Laleler (Off-White Tulips) d’Aykan Safoğlu, TUR/GER 2013, turc sous-titré anglais, 24 min
Dans cet essai filmographique dense, Aykan Safoğlu entremêle des éléments du récit datant de l’époque où James Baldwin résida en Turquie avec des éléments autobiographiques. Entre 1961 et 1971, l’écrivain noir américain a passé une partie importante de son temps en Turquie, lui offrant l’espace nécessaire pour se consacrer à l’écriture. Bien qu’il fut chaleureusement accueilli par ses amis turcs, par la communauté d’artistes et d’écrivain.e.s, il fit également l’expérience du racisme et fut sévèrement battu durant son séjour. Comme le suggère Magdalena J. Zaborowska dans son étude des liens tissés par Baldwin en Turquie, ses séjours lui ont permis de « se réinventer en tant qu’écrivain noir et queer et de reconsidérer sa conception de l’identité américain et des relations raciales états-uniennes alors que les années 60 touchaient à leur fin. » Safoğlu lui même grandit à Istanbul dans les années 1980 et 1990. À l’âge adulte, il quitta la Turquie pour Berlin, ville qui lui procura davantage de possibilités pour combler ses aspirations d’artiste queer, mais fut exposé à la précarité des permis de résidence de courte durée et au racisme en Allemagne.
À partir d’archives, le réalisateur entrelace les évolutions artistiques de Baldwin, des représentations de l’écrivain par des artistes (parmi lesquelles l’un des célèbres tableaux de Beauford Delaney, et une photographie de Sedat Pakay), et des traces de son enfance et de son adolescence. Des stratégies de résistance face au racisme et à l’homophobie sont présentes dans ce récit. Alors que Safoğlu pointe l’attrait pour la blancheur et la blondeur présent dans la culture populaire turque et américaine des années 1990 ; il prend conscience du conflit qui existe entre ses propres désirs sexuels et les représentations hétéronormatives. Sur son statif de reproduction, Safoğlu initie un dialogue transhistorique avec Baldwin permettant de faire résonner les choix et les expériences de l’écrivain avec les siens.
Récompensé au Festival International du Court-Métrage de Oberhausen en 2013.
Le film projeté a été sélectionné par Clara López Menéndez.
À propos d’Aykan Safoğlu
Par sa pratique artistique, Safoğlu forge des relations, quelques fois d’amitié, traversant des frontières culturelles, géographiques, linguistiques et temporelles. Initiant ses amitiés au fil de sa recherche, Safoğlu rend queer, complique et revisite l’histoire de figures célèbres telles que celle de James Baldwin, des artistes Paul Thek et Ulay, en enchevêtrant leur parcours au sien. Travaillant avec la vidéo, la photographie et la performance, il transforme des investigations ouvertes en lien, créativité et appartenance culturelle.
Né en 1984 à Istanbul, Safoğlu a étudié à Universität der Künste, Berlin, et à la Milton Avery Graduate School of the Arts du Bard College, Annandale-on-Hudson et fut résident de l’atelier SAHA, Rijksakademie van Beeldende Kunsten à Amsterdam. Il a participé à des expositions collectives telle que Father Figures are Hard to Find, nGbK, Berlin (2016) ; THE BILL : For Collective Unconscious, Artspace, Auckland, (2016) ; Home Works 7, Ashkal Alwan, Beyrouth (2015), et ses films ont été projeté dans de nombreux festivals internationaux de cinéma. Il vit et travaille à Berlin.
- Vladimir Ceballos – extrait de Maldito sea tu nombre, libertad, 1994, VHS, 61 min.
Samedi 21 octobre, 15h
Baigner dans des liquides contagieux (Bathing in Contagious Liquids) avec Élisabeth Lebovici, Clara López Menéndez, Petra Van Brabandt, projection de Maldito sea tu nombre, libertad (1994) de Vladimir Ceballos (film sélectionné par Clara López Menéndez)
*En anglais / in English
Dans l’exposition de Candice Lin, des liquides en circulation lient corps animés et inanimés, faisant résonner des récits distants en apparence. L’océan Atlantique, présent à travers les histoires développées dans l’exposition, contient la mémoire des africain.e.s esclavagisé.e.s jeté.e.s par dessus bord par les négriers, voulant ainsi toucher des primes d’assurance. C’est ce même océan que l’écrivain James Baldwin a traversé pour s’éloigner pendant des années du racisme systémique prévalant aux Etats-Unis et le dénoncer en se concentrant sur l’écriture.
Les liquides constituent les corps et en brouillent les limites. Dans l’espace d’exposition, un mélange de pisse distillée, d’eau de la Seine et de plantes infusées est pompé vers un système de brumisation qui maintient une chambre en porcelaine non-cuite dans un état d’humidité. L’air moite et odorant produit par ce système emplit la pièce et met en jeu tous les corps présents, indifféremment de leur statut d’animéité.
Les travaux des intervenantes invitées portent sur les liquides et leurs usages artistiques, en particulier l’impact de l’épidémie de sida, ainsi que les pratiques queer et féministes dans le champ de l’art et au-delà.
15h Visite guidée de l’exposition de Candice Lin, A Hard White Body (Un corps blanc exquis), avec les commissaires.
15h30 Introduction et mot de bienvenue par Lotte Arndt et Lucas Morin (commissaires de l’exposition)
15h45 Petra Van Brabandt : To Heat By Melting
Qu’ont en commun La naissance de Vénus de Cabanel, les Anthropométries de Klein et la Self-oblitération de Kusama ? Qu’est-ce qui lie La Pisseuse de Picasso aux aquarelles de Marlene Dumas et à Between the Waves de Tejal Shah ? Toutes ces œuvres déploient des esthétiques humides, c’est à dire une expérience esthétique réalisée par l’interaction sensible avec l’humidité. Ces esthétiques impliquent de fortes résonances érotiques ou sexuelles et produisent des réactions viscérales jusque dans les corps des spectateurs et spectatrices.
Petra Van Brabandt est philosophe. Elle enseigne la sémiotique, la théorie de l’art et la critique culturelle à Sint-Lucas School of Arts (Anvers, Belgique). Elle est membre du groupe de recherche Art&Narrativity. Sa recherche porte sur les dimensions sociopolitiques de l’art. Elle écrit et donne des conférences à propos de l’art et du féminisme, de la pornographie, du postcolonialisme et de la paresse. Ses travaux en cours portent sur les esthétiques humides dans l’art et la pornographie.
16h30 Projection de Maldito sea tu nombre, libertad de Vladimir Ceballos, USA, 1994, espagnol sous-titré anglais, 61’
La confrontation entre le bloc capitaliste et le bloc communiste a pris fin en 1989. Alors que Cuba, hautement dépendante du soutien soviétique, en a été fortement déstabilisée, le gouvernement de Fidel Castro a raffermi son insistance sur les valeurs socialistes telles que définies par le parti. Celles-ci contrastaient avec les goûts musicaux et esthétiques de jeunes Cubain.es passioné.es de rock appelé.es roquer@s, considéré.es par les autorités comme portant l’individualisme et la disidencia, et sévèrement réprimé.es en conséquence.
En réponse au harcèlement policier envers cette subculture, plusieurs de ses membres ont décidé de s’inoculer volontairement le VIH pour échapper au service militaire, au travail forcé ou à l’emprisonnement. Ils et elles ont vécu leurs courtes vies dans les sanatoriums créés par le gouvernement cubain pour contenir l’épidémie. Maldito sea tu nombre, libertad est un précieux document attestant de ce phénomène comme d’une réponse à la répression politique. Tourné en secret avec peu de moyens le temps d’un week-end dans la province cubaine de Pinar del Río en 1994, ce film présente une des quelques rares traces de cette tragédie sociale complexe.
Vladimir Ceballos est un réalisateur et monteur de cinéma qui vit et travaille à Providence, Rhode Island, aux États-Unis.
Le film a été selectionné et sera introduit par Clara López Menéndez.
17h30 Élisabeth Lebovici et Clara López Menéndez échangeront autour du film de Vladimir Ceballos, des « liquides précieux » analysés par Lebovici dans son récent ouvrage Ce que le sida m’a fait : art et activisme à la fin du XXe siècle (Paris, Les presses du réel, 2017), et de la porosité, la fragilité et la relationnalité des corps.
Historienne et critique d’art, activiste et auteure, Élisabeth Lebovici a été journaliste au service culture de Libération entre 1991 et 2006. Elle est la coauteure, avec Catherine Gonnard, de Femmes artistes/ Artistes femmes (Hazan, 2007) et tient le blog http://le-beau-vice.blogspot.com. En 2017, elle a publié Ce que le sida m’a fait, Paris, Les presses du réel, 2017, un récit intime et politique des imbrications entre art et activisme, vu par le prisme de l’épidémie de SIDA dans les années 1980 et 1990 en France et aux États-Unis.
Clara López Menéndez est une travailleuse de l’art dans les domaines du commissariat, de la critique d’art, de la pédagogie et de la performance. Elle est actuellement artiste en résidence au California Institute of the Arts. Elle a dirigé la BOFFO Fire Island Art Residency en 2014 et 2015 et dirige la plateforme de cinéma expérimental Dirty Looks LA. Elle a été publiée dans Mousse, Art News, Bomb, Little Joe et Girls Like Us. Elle travaille actuellement au projet A new job to unwork dont résultera une exposition à Participant Inc. (New York, Etats-Unis) à l’été 2018.
Samedi 25 novembre, 16h
IN ANY (WAY,) SHAPE OR FORM avec des performances de Géraldine Longueville (Paris) et Simon Speiser (Berlin), sur l’invitation de Marie Sophie Beckmann (Goethe-Institut Fellow 2017)
Une simple chaussette et une paire de sous-vêtements masculins froissés sont solidifiés en objets de porcelaine. Les plantes, les fleurs et les herbes apparaissent comme des dessins, elles poussent à partir des sculptures et sont suspendues pour sécher. Les cheveux et la poussière collent à la surface humide de la chambre à coucher en porcelaine, la moisissure s’y développe, des flaques de pisse distillée se forment sur les draps. Une voix désincarnée habite l’espace. Les images en mouvement apparaissent sur des draps semi-transparents et flottants.
L’exposition A Hard White Body (Un corps blanc exquis) de Candice Lin, en elle-même un écosystème sculptural instable, met en jeu la (ré)apparition, la (re)connexion et la (re)mise en forme des liquides, des corps, des matériaux et des récits.
Reprenant ces procédés, les performances des artistes Géraldine Longueville et Simon Speiser explorent des moments d’échange, de traduction et de transformation. IN ANY (WAY,) SHAPE OR FORM est un après-midi de partage d’eaux et d’histoires (de plantes et de lieux) au sein de l’installation de Candice Lin.
16h A State of Water. Performance de Géraldine Longueville
*en français
Chaque plante provient d’une source, porte une histoire, contient des connaissances. Géraldine Longueville propose une dégustation d’eaux infusées de plantes et d’herbes dans lesquelles ces récits sont racontés, les sources révélées et les savoirs partagés. Le goût ? Amer.
Géraldine Longueville vit et travaille à Paris. Sa pratique a commencé en 2005 en tant que commissaire, en explorant les formats de l’exposition. Elle a nourri l’inventivité des artistes en créant des modes d’exposition souples et multiples, et de partage avec un public sous la forme d’un spectacle, d’une résidence, d’une chanson, d’un poème ou d’un repas. De 2011 à 2013, elle a collaboré avec les artistes David Bernstein et Jurgis Paskevicius sous le nom de Juguedamos. En 2014, elle a fondé Black garlic, un atelier de production collaboratif en art et gastronomie, dirigé avec la chef Virginie Galana et le studio de design graphique Commune. Depuis 2015, elle collabore avec La Piscine, projet chorégraphique réalisé pour un seul public avec de multiples outils, initié avec l’artiste Myriam Lefkowitz. Depuis, elle fabrique des boissons et des potions qui remettent en question les notions d’accueil, de médiation et de transmission. Elle travaille actuellement sur un amer sur mesure commandé par le Centre d’Art Contemporain CAC Brétigny pour sa collection en 2018.
17h Performance de Simon Speiser
*en anglais
« Dans la forêt, l’acte d’amour construit un pont entre les espèces, la flore utilise l’agilité de la faune pour imprégner à distance » - Simon Speiser lit une nouvelle histoire avec un tournant de science-fiction sur l’amour des arbres en transformant un paysage naturel en une impression numérique en noir et blanc sur le moment.
Simon Speiser (né en 1988 à Ratisbonne, Allemagne) est actuellement basé à Berlin. Travaillant avec la sculpture, le texte, la vidéo et la gravure, il « tire des fictions expérimentales d’un au-delà récemment devenu perceptible, où l’art embarrasse la science-fiction, où la sculpture pénètre la fantaisie et le lecteur doit rencontrer les textes reconnaissables les plus étranges concoctés en dehors de sa propre tête » (Mark Von Schlegell). Simon Speiser a étudié les beaux-arts à l’Akademie der Bildenden Künste de Stuttgart avec le professeur Christian Jankowski et le professeur Alexander Roob. En 2014, il obtient son diplôme de la Staatliche Hochschule für bildende Künste Städelschule de Francfort-sur-le-Main, après avoir étudié avec Willem de Rooij, Michael Krebber et Mark von Schlegell. Au cours des dernières quatre années, il a participé à plusieurs expositions de groupe et solo dans des institutions, des galeries et des espaces indépendants tels que le Frankfurter Kunstverein ; MMK Museum für moderne Kunst Francfort-sur-le-Main ; Alexander Levy Gallery, Berlin ; Croy Nielsen, Berlin ; Oracle, Berlin ; et MMCA Seoul.
IN ANY (WAY,) SHAPE OR FORM est organisé à l’occasion du Goethe-Institut Fellowship 2017.
En 2016, le Goethe-Institut et la Villa Vassilieff ont créé ensemble un programme de résidence de recherche pour les commissaires d’exposition allemands. Chaque année, un commissaire est invité à développer un projet de recherche à la Villa Vassilieff, en partenariat avec une institution allemande avec la possibilité de dialoguer avec plusieurs institutions internationales (musées, archives, écoles, publics). Cette bourse est attribuée en parallèle aux programmes Focus, organisés chaque année par le Goethe-Institut dans une ville allemande.
Marie Sophie Beckmann (née en 1989 à Brême, Allemagne) est la Goethe-Institut Fellow 2017. Elle travaille comme écrivaine et commissaire d’exposition à Berlin. Elle a obtenu son master en études curatoriales à la Goethe-Universität et à la Staatliche Hochschule für bildende Künste - Städelschule de Francfort-sur-le-Main en 2016 avec une thèse sur le Cinema of Transgression. En 2015, elle a cofondé l’initiative curatoriale EVBG qui se concentre sur le cinéma contemporain, l’art vidéo et les pratiques artistiques féministes. Marie Sophie Beckmann est doctorante dans le programme Konfigurationen des Films (Configurations de film) de la Goethe-Universität de Francfort-sur-le-Main.
- Gaston Velle – extrait de Les fleurs animées, 1906
Samedi 2 décembre, 15h
Passagers clandestins (Stowaways)
avec Samir Boumediene, Teresa Castro, Laura Huertas Millán
À l’époque où la botanique faisait partie intégrante des explorations transatlantiques, la jeune paysanne et herboriste Jeanne Baret se travestissait en valet de son maitre et amant, le botaniste Philibert Commerson, et embarquait à bord de L’Étoile, l’un des navires de l’expédition de Bougainville (1766-1769). Voyageuse impériale, ce personnage clé de l’exposition de Candice Lin, A Hard White Body (Un corps blanc exquis), occupe une place trouble et ambiguë : par son voyage, elle revendiquait la possibilité d’un horizon de vie alors défendu aux femmes. Cependant, elle contribuait par là à l’entreprise impériale de conquête du monde ainsi qu’à la colonisation du savoir par la classification des plantes qu’elle collectait dans les Amériques et les îles de l’océan Indien.
L’activité de Baret amène au cœur de la connexion entre plantes et empire, entre projet occidental et masculin de domination et résistances rusées, multiples et pratiques. Établissant des connexions transatlantiques, les voyages d’explorations ne se résumaient jamais à des circulations à sens unique. Au contraire, parmi les passagers clandestins se trouvent outre les humains voyageant en cachette, ou sous couvert d’une identité empruntée, des graines, des semences, des bactéries et virus, des plantes et animaux qui se disséminent de part et d’autres de l’océan. Puissances indomptables, ces corps sans passeports ni fiche d’inventaire débordent la volonté de maitrise, se parsèment, s’incrustent et se démultiplient en interaction avec leurs terres d’accueil.
Samir Boumediene : Autour de la magie amoureuse
« Tabac, coca, quinquina, cacao, gaïac, peyotl, poisons, abortifs… De 1492 au milieu du XVIIIe siècle, les Européens s’approprient en Amérique d’innombrables plantes médicinales. Au moyen d’expéditions scientifiques et d’interrogatoires, ils collectent le savoir des Indien.ne.s ou des esclavagisé.e.s pour marchander des drogues, et élaborent avec elles les premières politiques de santé. Dans le même temps, inquisiteurs et missionnaires interdisent l’usage rituel de certaines plantes et se confrontent aux résistances des guérisseurs [et guérisseuses]. Botanique, fraudes et sorcellerie : entre les forêts américaines et les cours du Vieux Monde, l’étude de Samir Boumediene raconte l’expansion européenne comme une colonisation du savoir. »
Samir Boumediene est historien, chargé de recherches au CNRS (IHRIM, ENS Lyon). Il est auteur de La colonisation du savoir. Une histoire des plantes médicinales du Nouveau Monde (1492-1750), Les éditions des mondes à faire, 2016.
Teresa Castro : Le cinéma et quelques-unes de ses fables végétales
Au cinéma, le végétal s’anime : les arbres dansent, les champignons frémissent et les fleurs tournoient. Grâce à ses ressources expressives et à sa puissance fabulatrice, le cinéma - médium de la modernité et avatar de l’objectivité - devient ainsi, et paradoxalement, le divulgateur de « l’âme végétale », bouleversant les frontières du vivant et engendrant des intentionnalités plus ou moins surprenantes. En partant de quelques exemples très divers, du cinéma scientifique aux films de série B, cette présentation se propose d’explorer quelques-unes des fables végétales fabriquées par le cinéma, en mettant l’accent sur la façon dont celles-ci associent parfois le végétal et le féminin.
Teresa Castro est Maître de conférences en études cinématographiques et audiovisuelles à l’université Sorbonne Nouvelle – Paris 3. Ancienne chercheuse post-doctorante au musée du quai Branly et au Max Planck Institute for the History of Science de Berlin, elle a publié La pensée cartographique des images. Cinéma et culture visuelle (2011) et codirigé avec Maria do Carmo Piçarra (Re)imagining African Independence : Film, Visual Arts and the Fall of the Portuguese Empire (2017). Sa recherche actuelle porte sur les liens entre cinéma et animisme.
Laura Huertas Millán : Voyage en la terre, autrement dite, 2011, 23’, couleur, stéréo, DCP
Projection et discussion avec l’artiste autour de son film.
Accompagnant les conquêtes impériales, les récits de voyages d’exploration naturelle et ethnographique participent à l’invention des territoires colonisés. La récurrence de certains tropes, une dramaturgie presque généralisée qui laisse surgir ce monde nouveau pour les Occidentaux, laisse percevoir à quel point les attentes des voyageurs impériaux façonnent leur objet.
Voyage en la terre autrement dite se base sur un corpus large de ces récits d’explorations et s’interroge sur la persistance des imaginaires exotisants dans le cinéma contemporain. Il est entièrement tourné dans le huis clos d’une serre équatoriale à Lille, construite en 1970 par l’architecte Jean-Pierre Secq. Tout comme il revenait aux « ethnologues en fauteuil » (armchair ethnologists) de canoniser un savoir sur les terres colonisées et leurs habitant.e.s, l’imaginaire des Amériques se compose ici au travers de récits qui préfigurent le regard. Le film investit cet imaginaire et vient aussitôt le déstabiliser en introduisant des décalages, des camouflages et des irritations, mineures et majeures.
Laura Huertas Millán (1983) est une artiste et réalisatrice franco-colombienne. Elle est diplômée de l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris et du Fresnoy et détient un doctorat d’art et de création portant sur les fictions ethnographiques (ENS Ulm, Beaux-Arts de Paris). En 2014 elle a été chercheuse invitée au Sensory Ethnography Lab. Entre 2014 et 2017, elle a été chercheuse invitée au Film Study Center de la Harvard University.
Ses films sont diffusés au cinéma et dans des institutions artistiques. Son dernier film, Sol Negro (2016) a été récompensé au FIDMarseille (France), à Doclisboa (Portugal) et au Fronteira Film Festival (Brésil).
Les travaux de Laura Huertas Millán entrelacent les genres, mêlant documents et différentes formes de fiction. Utilisant l’écriture comme une extension de sa pratique cinématographique, elle a récemment publié dans Spike Art Quarterly en collaboration avec Raimundas Malasauskas.
À Temporary Gallery, Cologne
Vendredi 13 octobre, 19h
La matière en mouvement : effacements et resurgissements avec Mathieu K. Abonnenc, Susanne Leeb
Vendredi 3 novembre, 19h
Contrebandières. Excroissances et collections tourmentées avec Pauline M’barek, Tahani Nadim, Kerstin Stoll
Le programme Objets troublants, objets inquiets. Au-delà des certitudes classificatoires reçoit le soutien du fonds franco-allemand pour l’art contemporain et l’architecture Perspektive.
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