Eric Baudelaire, The Secession Sessions
Un projet d’Eric Baudelaire avec Maxim Gvinjia
- Vue de l’exposition d’Eric Baudelaire, "The Secession Sessions". Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, Paris, 2014. © Ségolène Thuillart
« L’Abkhazie est un paradoxe : un pays au sens physique du terme, avec ses frontières, son gouvernement, son drapeau et sa langue, mais un État qui n’existe pas légalement puisque pendant près de vingt ans aucune autre nation ne l’a reconnu. L’Abkhazie existe donc sans exister, dans un vide liminal, un espace limite entre des réalités. À ce titre, ma lettre à Max était un peu comme une bouteille à la mer.
Comment l’État se construit-il ? Est-ce que l’État inclut ou exclut ? Selon quels critères un État peut-il être considéré comme existant ? Et quelles formes de représentations confèrent du réel à l’État ? Si tous les États s’érigent à travers des fictions collectives, quid de l’Abkhazie : une fiction dans la fiction ?
L’Abkhazie est née d’une guerre de sécession en Géorgie, dans le Caucase, en 1992-1993. Comme tout territoire contesté, l’Abkhazie existe dans un nœud de récits contradictoires. Les géorgiens voient en cet État sécessionniste un régime illégitime qui les a spolié de leurs terres. En déclarant leur indépendance, les Abkhazes estiment avoir sauvé une culture nationale menacée d’extinction par la répression stalinienne et la domination géorgienne. Pour certains observateurs, l’Abkhazie n’est qu’un pion du Grand Jeu que la Russie et l’Occident jouent depuis des siècles en Transcaucasie. « The Secession Sessions » prend acte de ces narrations contradictoires sans chercher à écrire une impossible historiographie objective. Le projet ne discrédite, ni ne vérifie, ni ne documente aucune de ces revendications. Il s’appuie sur une observation : la sécession a eu lieu, l’Abkhazie a une existence territoriale et humaine depuis vingt ans, et pourtant selon toute vraisemblance, elle restera dans les limbes encore longtemps. Un État sans État – nos schémas politiques ne peuvent inclure un tel objet. Cela vaut donc la peine qu’on s’y attarde. Si dans cette abstraction l’Abkhazie demeure un laboratoire d’expérimentation pour la naissance d’une nation, ses Garibaldi et George Washington sont encore vivants et actifs. Maxim Gvinjia est l’un d’entre eux.
C’est de Paris que j’ai posté une lettre destinée à Max. J’étais sûr que cette lettre-là, avec son adresse improbable – Max Gvinjia, ex-Ministre des Affaires étrangères, Sukhum, République d’Abkhazie –n’arriverait jamais et serait retournée à mon atelier avec la mention « destination inconnue ». Pourtant, à mon étonnement, je lisais dix semaines plus tard un email en réponse à mon courrier : Max avait bien reçu ma lettre, il ne pouvait pas y répondre, la poste en Abkhazie ne traitait pas l’international. Se posait alors la question : pourquoi ma lettre était-elle parvenue jusqu’à lui ? » Eric Baudelaire
« The Secession Sessions » sont conçues comme une série d’invitations, initiées par l’artiste Eric Baudelaire, afin d’interroger la nature fictionnelle de la construction d’une nation à travers l’histoire particulière de l’État sans État qu’est l’Abkhazie. Elles se composent de plusieurs éléments : l’ouverture de l’Anambassade de la République Abkhaze à Bétonsalon, par Maxim Gvinjia, ancien Ministre des Affaires étrangères d’Abkhazie ; la projection quotidienne du film Lost Letters to Max, issu de l’échange épistolaire entre un artiste et un ministre ; et un programme de rencontres et de discussions avec des chercheurs, des penseurs et des artistes afin d’explorer les enjeux contenus dans « The Secession Sessions ».
LOST LETTERS TO MAX
Un film d’Eric Baudelaire avec Maxim Gvinjia
Séances du mardi au vendredi à 15h et 17h et le samedi à midi
Chaque jour, le film Lost Letters to Max sera projeté. Il est né d’un moment de sérendipité : l’envoi d’une première lettre comme un clin d’œil à Alfred Jarry et à l’univers d’Ubu Roi dans lequel Maxim semble habiter. Puis le réel a été rattrapé par la fiction. Ainsi Eric Baudelaire s’est lancé dans une campagne épistolaire, envoyant 74 lettres en 74 jours : script pour la voix off d’un film dont Max est le narrateur. Cet échange deviendra la structure même du film : des lettres qui n’auraient pas du parvenir jusqu’à Max, l’enregistrement de ses réponses, et les images tournées par Eric Baudelaire en Abkhazie quand la correspondance s’est terminée.
L’ANAMBASSADE D’ABKHAZIE
Avec Maxim Gvinjia, ancien Ministre de Affaires étrangères et Anambassadeur de la République d’Abkhazie à Paris
Ouverte du 9 janvier au 8 février 2014, du mardi au vendredi de 11h à 15h et le samedi de 11h à midi
Maxim Gvinjia, l’Anambassadeur, sera présent à son bureau aux heures ouvrables. Il aura l’entière liberté d’employer l’espace à sa convenance. Il aura la possibilité d’organiser des rencontres, d’accueillir des visiteurs, de tenir salon et d’inviter à sa guise. L’Anambassade est une performance (peut-elle avoir un autre nom ?) officieuse et peu opérationnelle. Elle opère comme un rituel qui est à la fois réel (Max fut Ministre des Affaires étrangères) et fictif, mais dans un sens politique : la fiction comme territoire de résistance pour ceux que le réel exclut.
LES SESSIONS DU SAMEDI
Le samedi à 15h
Une série d’invitations lancées à des participants issus de différents domaines qui donne lieu à un programme de rencontres hebdomadaires les samedis après-midi pour élargir la réflexion menée dans « The Secession Sessions » au-delà de la question de l’Abkhazie.
Scénographie : Est-ce ainsi
Design graphique : Camille Baudelaire
Télécharger le dossier de presse
L’exposition est une coproduction de :
Bétonsalon – Centre d’art et de recherche
Bergen Kunsthall / 17.01 – 16.02 2014
Argos, Center for Art and Media / 2015
UC Berkeley Art Museum and Pacific Film Archive (BAM/PFA) / 04-22.02 2015
En partenariat avec Kadist Art Foundation
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Lost Letters to Max a reçu le soutien du dispositif Image/Mouvement
du Centre national des arts plastiques.
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