The Otolith Group, A Lure a Part Allure Apart
Bétonsalon - Centre d’art et de recherche présente la première exposition personnelle en France d’Otolith Group, le collectif d’artistes londonien fondé par Kodwo Eshun et Anjalika Sagar. Investis dans l’exploration des héritages et des potentialités du film-essai, des modernismes cosmopolites, des futurs spéculatifs et des sciences-fictions, The Otolith Group a développé une pratique à multiples facettes intégrant la réalisation de films et de vidéos, de projets curatoriaux, de publications et l’élaboration de plate-formes publiques.
Formant l’élément central de l’exposition, la Trilogie Otolith est composée des films-essais Otolith I (2003), Otolith II (2007) et Otolith III (2009) qui s’attachent au potentiel de moments politiques et culturels spécifiques pour évoquer des futurs alternatifs. Projetés selon une grille horaire prédéfinie, ils alternent avec des assemblages qui revisitent leur conférence performée Communists Like Us (2006), leur essai sonore The Secret King in the Empire of Thinking (2011) et les oeuvres de l’illustrateur de ‘comics Marvel’ Jack Kirby et de l’artiste Vidya Sagar, toutes deux ayant influencé les méthodologies de la Trilogie Otolith.
Ces assemblages, produits spécifiquement pour Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, constituent une exposition quasi-subliminale qui apparaît et disparaît entre chaque séance. Le pliage d’un dispositif temporaire à l’intérieur d’une proposition scénographique ouvre alors de nouveaux passages à travers la constellation d’allusions et de références d’Otolith Group. A Lure a Part Allure Apart épouse les préoccupations du collectif autour des disjonctions de la temporalité et des sciences-fictions du présent alternatif.
Horaires des projections :
Otolith I : 11h00, 13h40, 16h20
Otolith II : 11h30, 14h10, 16h50
Otolith III : 12h40, 15h20, 18h00
- Vue de l’exposition "The Otolith Group, A Lure a Part Allure Apart" avec Otolith II, 48 mn, 2007. Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, Paris, 2011. Image : Aurélien Mole
Otolith I se déroule au 22ème siècle, lorsque les hommes ne sont plus à même de survivre sur terre et sont ainsi contraints de vivre dans un état de permanente microgravité à bord de la Station spatiale internationale (SSI). Otolith I est narré par l’exo-anthropologue Dr Usha Adebaran Sagar, future descendante d’Anjalika Sagar. À travers sa recherche dans des archives de médias éteints, Adebaran Sagar reconstruit la vie comme elle était sur terre. Dans la mise en scène d’Otolith I, l’angoisse et la dépression qui ont émergé des manifestations en 2003 contre la Coalition soutenant l’invasion de l’Iraq sont mises en parallèle avec la rencontre à Moscou en 1973 entre la cosmonaute russe Valentina Tereshkova – première femme à orbiter autour de la terre – et Anasuya Gyan-Chand – Présidente de la Fédération nationale des femmes indiennes ; évoquant ainsi
l’apesanteur de l’intimité étrangère.
Relaté par Dr. Adebaran Sagar, Otolith II quitte l’agravitation de la SSI pour comparer la compression hypergravitationnelle de Dharavi, immense bidonville de Mumbai, au plan d’urbanisme du milieu du 20ème siècle que constitue Chandigarh. Otolith II explore la pression endurée par les citoyens habitant dans ces versions contrastées et compétitives de la ville de demain. Des moments contemporains de la vie vécue dans l’ombre du complexe hyperstructuré du Corbusier sont juxtaposés avec des scènes de travail immatériel sur les plateaux de tournage de Film City à Mumbai et dans les usines de Dharavi. Le film examine et ressuscite les fragments transtemporels des modernismes post-indépendants à travers les alliances invocatrices du futur
entre le féminisme socialiste, les projets séculaires nehruviens et la solidarité transnationale ; ceci dans le but d’assembler un zodiaque des possibles dans le temps présent.
Otolith III habite les potentialités latentes du script de Satyajit Ray pour son film jamais réalisé, The Alien. Écrit en 1967, The Alien aurait été le premier film de science-fiction à se dérouler en Inde. Otolith III retourne en 1967 pour proposer une trajectoire alternative dans laquelle des protagonistes fictifs de The Alien confrontent Ray et tentent de se saisir des moyens de production afin de se dégager de leur état inachevé. Reconfigurant des séquences visuelles et orales de quatorze films de Ray ; s’appuyant sur les visualisations de Jack Kirby pour l’interprétation non réalisée du roman de Roger Zelazny Lord of Light (1967) ; et s’inspirant de la méthodologie de Notes pour un film sur l’Inde (Pier Paolo Pasolini, 1968), Otolith III se propose comme
un ‘premake’ (une expression empruntée à Chris Marker désignant un remake realisé avant l’original) du film de Ray.
Programmé pour apparaître après la projection d’Otolith I, le premier assemblage d’une série de trois élaborée pour A Lure a Part Allure Apart revisite l’oeuvre d’Otolith Group Communists Like Us (2006). Conçue comme des notes vers l’élaboration d’Otolith II, Communist Like Us met en dialogue des photographies de délégations soviétiques et maoïstes de l’internationalisme socialiste ; la conversation sous-titrée entre l’activiste et philosophe Francis Jeanson avec Véronique, son étudiante maoïste jouée par Anna Wiazemsky dans le film La Chinoise (Jean-Luc Godard, 1967) ; et les compositions musicales de Cornelius Cardew et Ennio Moricone.
Dans le premier assemblage, un montage sonore isolé d’une séquence d’Otolith II, qui compare le travail d’employés confectionnant des portefeuilles avec celui effectué sur le tournage d’une publicité pour des services financiers, est mis en relation avec les sous-titres du dialogue de La Chinoise. Fonctionnant comme une préface alternative à Otolith II, cet assemblage scripto-oral invite une rencontre entre les temporalités des projections communistes et les précarités de l’industrie contemporaine et du travail immatériel.
Commençant après la conclusion d’Otolith II, le second assemblage est l’essai sonore The Secret King in the Empire of Thinking (2011). Conté par Anjalika Sagar, cet essai est une re-description, installée dans un
futur indéterminé, des visualisations de Jack Kirby commandées en 1978 pour le film irréalisé Lord of Light, basé sur le roman éponyme de science-fiction de Roger Zelazny paru en 1967. Créé deux ans après la sortie d’Otolith III, dans lequel les illustrations science-fictionnelles de Kirby jouaient un rôle essentiel, The Secret King in the Empire of Thinking est révélateur de la propension d’Otolith Group à constamment revisiter ses constellations de références afin d’invoquer les temps et espaces fantomatiques. The Secret King in the Empire of Thinking anticipe le troisième assemblage et propose un dernier pli dans la spatio-temporalité de l’exposition. Apparaissant après la conclusion d’Otolith III, une projection annonce une commande de l’Institut Pour Les Cultures Extraterrestres en 2014 intitulée Protocol Division, Biohazard Facility For Visitation Sector 7, Quadrant 6, Naxalbari, Bengal. Cette fiction institutionnelle s’est déplacée de son contexte initial, Otolith III, afin de fournir un cadre aux oeuvres de Jack Kirby et Vidya Sagar rendues visible, le temps de cet assemblage, dans deux endroits de l’espace de Bétonsalon. Les sept pastels de Sagar et les dix impressions photographiques de Kirby sont connectés par une série de numéros projetés, de titres imaginaires et de dates prospectives, le tout opérant pour situer les oeuvres de Sagar et Kirby au sein des fictions de l’exposition. En reliant des mémoires différées avec des présences anticipées et en réordonnant scripts et sons avec images et voix, la scénographie de A Lure a Part Allure Apart se révèle comme le cycle infernal d’un univers imbriqué.
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