Eldoradio
Dans le cadre du 30e anniversaire de la libération des ondes en France, Bétonsalon propose un parcours dans l’espace radiophonique par le biais des archives Eldoradio, rassemblées par des passionnés de radio. Différents chercheurs intéressés par ces archives radiophoniques – aussi bien en tant qu’archive constituée en dehors des circuits institutionnels, que pour sa valeur de mémoire sur l’histoire de la radio – ont été invités à les explorer et à présenter le résultat de leurs recherches.
Les différentes contributions produisent ainsi de multiples manières d’interpréter, d’annoter, de préciser, voire de corriger les documents exposés et les fragments de l’histoire de la radio qui sont représentés dans l’exposition. Proposant une vue partielle et non exhaustive des archives Eldoradio, l’exposition ne vise pas à retracer 30 ans de radio, l’enjeu est plutôt de confronter différents usages possibles de documents liés à une histoire de la radio trop peu écrite.
Franck Leibovici, poète-plasticien, a choisi de représenter sous la forme d’une carte, la constitution et le contenu des archives rassemblées par les membres d’Eldoradio. Thierry Lefebvre, historien de la radio, confronte son livre La Bataille des radios libres 1977-1981 (2008) aux documents et sons trouvés dans les archives Eldoradio à l’aide d’une frise chronologique. Deux documentaires de la réalisatrice Isabelle Cadière sont exposés : Radio Lorraine Coeur d’Acier (2009) et un nouveau film sur les femmes et la radio produit pour l’occasion. Elisabete Fernandes, étudiante en master Études Cinématographiques à l’Université Paris Diderot, tente de retracer la trajectoire de Radio Voka, une radio antillaise et guyanaise, ayant émis de juin 1982 à août 1983en région parisienne. Les artistes Louise Hervé et Chloé Maillet présentent restauration totale, une fiction radiophonique ou dramatique, produite dans le cadre d’un Atelier de création radiophonique de France Culture. À partir d’une sélection d’enregistrements sonores, le collectif l’Encyclopédie de la parole propose une nouvelle pièce sonore, une séance d’écoute publique, et une analyse des archives sous la forme d’un côté, et de l’autre, un travail d’analyse sous forme d’annotations dispersées dans l’espace d’exposition. Quant aux membres d’Eldoradio ont constitué une playlist de leur archive accessible via un juke-box et l’équipe de Bétonsalon présente un choix de documents (affiches, autocollants, articles de presse, photographies, magazines, etc.) commentés par une gamme d’amateurs et de professionnels de la radio à l’aide de cartels. Cette exposition a donné lieu à plusieurs collaborations avec des enseignants et étudiants de l’Université Paris Diderot. Parmi eux, les étudiants en médiation scientifique de Thierry Lefebvre, Cécile De Bary et Richard Millet ont conçu le journal de Bétonalon n°10 et réalisé un documentaire vidéo présentant l’association Eldoradio, ses acteurs et ses objectifs.
De nombreux rendez-vous (concerts, séances d’écoute, conférences, projections, ateliers, etc.) sont programmés tout au long de l’exposition qui se terminera par un colloque organisé par le GRER (Groupe de Recherches et d’Etudes sur la Radio) les 20 et 21 mai à l’Université Paris Diderot.
- Vue de l’exposition "Eldoradio", dernière partie de la frise chronologique. Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, 2011. Image : Aurélien Mole
Les participants
ISABELLE CADIÈRE
Femmes de radio
Les voix de femmes et d’hommes se mêlent aujourd’hui (presque) à égalité sur les ondes, mais cela ne fut pas toujours le cas. Limitées à la lecture des publicités jusque dans les années 1970, les femmes commencent à faire entendre leur parole au moment même où les premiers remous féministes agitent la rue. Coïncidence ? Ce court documentaire vous emmènera à travers les archives féminines d’Eldoradio, et vous serez guidés dans cette promenade historique par quelques grandes dames de la radio.
Isabelle Cadière est réalisatrice de documentaires plutôt autodidacte : après des études de biologie et de journalisme scientifique, elle fait ses premiers films seule (tournage et montage) avant de réussir à obtenir son premier vrai contrat avec une chaîne de télévision en 2009 pour le tournage de « Radio Lorraine Coeur d’Acier, la parole libérée ». Depuis, elle travaille sur de nombreux projets de documentaires, un projet de fiction et tourne en ce moment-même deux documentaires pour France 3 Lorraine Champagne Ardennes et France 3 Alsace qui devraient être diffusés fin 2011.
ELISABETE FERNANDES
La mémoire de radio Voka
« Dans les archives d’Eldoradio et sur le thème des radios communautaires, c’est d’abord une image qui a attiré mon attention : la photographie d’une manifestation devant le Centre Georges Pompidou durant l’été 1983. Sur l’une des banderoles on peut y lire l’inscription suivante « Nou ve Radio Voka ». Radio Voka ou Radio Caraïbes est une radio antillaise et guyanaise, ayant émis de juin 1982 à août 1983. Malgré les différentes pétitions et protestations, elle sera interdite, comme bien d’autres radios, par la commission Halleaux. Il reste aujourd’hui très peu de traces de Radio Voka et de la mobilisation de ses auditeurs pour son maintien sur la bande FM. À partir des sources d’Eldoradio (des sons, une photographie et un communiqué de presse), le projet « La mémoire de Radio Voka » est un travail qui part à la recherche d’autres sources, de sources complémentaires, afin de commencer l’écriture de l’histoire de Radio Voka, une histoire encore à écrire et oubliée dans la grande histoire de la bande FM. » Elisabete Fernandes
Historienne de formation, Elisabete Fernandes est étudiante en Master 1 d’Etudes Cinématographiques à Paris 7. Son mémoire de recherche, dirigé par Frédérique Berthet, porte sur la présence au Mozambique de Jean Rouch, Jean-Luc Godard et d’une équipe du Comité du Film Ethnographique (1975-1979).
LOUISE HERVE ET CHLOE MAILLET
Louise Hervé et Chloé Maillet diffuseront dans l’exposition et sur les ondes Restauration totale. Cette oeuvre est un récit d’anticipation radiophonique où l’archive prend petit à petit la place des personnages. Tout commence avec les difficultés inhérentes à la conservation d’émissions de radio stockées sur des supports obsolètes, qui ont conduit à l’élaboration, dans un futur proche, d’une méthode de restauration totale : les archives sonores sont imitées et réenregistrées à l’identique par deux speakerines, toujours les mêmes, qui tentent d’en reproduire les moindres détails. Il semble que la captation continue de ces archives réenregistrées absorbe la substance même de la réalité.
Nées en 1981, Louise Hervé et Chloé Maillet travaillent ensemble à Paris depuis 2000. À travers l’I.I.I.I (International Institute of Important Items), association créée en 2001, elles produisent des performances, des films de genre et des installations. Leur travail a été montré récemment au Palais de Tokyo et au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris (exposition Dynasty, juin-septembre 2010). Leurs performances ont été programmées en 2010 à la galerie CroyNielsen (Berlin), au Centre Pompidou, au Plateau-FRAC Ile de France, à la Ferme du Buisson et à Raven Row (Londres). Elles sont représentées par la galerie Marcelle Alix à Paris.
THIERRY LEFEBVRE
L’histoire relatée dans l’ouvrage de Thierry Lefebvre intitulé La bataille des radios libres : 1977-1981 sera visualisée par le biais d’une frise chronologique placée dans l’espace d’exposition. Retraçant les moments clés d’une période capitale de l’histoire de la radio, cette frise se nourrira de documents comprenant des affiches, des photographies, des articles de presse, des extraits sonores et des agrandissements de certaines pages du livre. Le parcours proposé sera agrémenté d’une vidéo documentaire des frères Dardenne aussi bien que par une série de commentaires et d’explications fournies par plusieurs intervenants issus du monde de la radio ou d’ailleurs.
Thierry Lefebvre est maître de conférences à l’Université Paris Diderot. Il enseigne dans le master de Journalisme scientifique et la licence Enseignement, Information et Communication scientifiques. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont, en 2008, La Bataille des radios libres, 1977-1981 (Nouveau Monde Éditions/INA). Ce livre a reçu le prix de la recherche du Comité d’histoire de la radiodiffusion.
L’ENCYCLOPEDIE DE LA PAROLE
À partir d’une sélection d’enregistrements sonores, le collectif L’encyclopédie de la parole propose une pièce sonore d’un côté et de l’autre, un travail d’analyse selon différentes entrées (correspondant à des phénomènes particuliers de la parole : cadences, choralités, compressions, emphases, espacements, mélodies, répétitions, résidus, saturations, timbres, etc.) qui prendra la forme d’une séance d’écoute réalisée par David Christoffel et d’annotations dispersées dans l’espace.
Depuis septembre 2007, l’Encyclopédie de la Parole s’applique à collecter et à répertorier toutes sortes d’enregistrements de parole. Ce projet collectif à géométrie variable, vise à appréhender la diversité des formes orales à travers des entrées transversales. L’encyclopédie a développé à ce jour 18 entrées. Chaque entrée réunit un corpus spécifique d’enregistrements, et l’ensemble de ces 18 corpus constitue la collection de l’Encyclopédie de la parole qui compte à ce jour plus de 700 extraits relevant des genres les plus variés. À partir de cette collection et de ces entrées, l’Encyclopédie de la parole écrit des articles, commande des pièces sonores à des compositeurs, donne des conférences, produit des performances et des concerts, conçoit des installations et des interfaces numériques... Chaque objet déploie et illustre à sa façon des phénomènes particuliers de la parole.
FRANCK LEIBOVICI
Les cartes de Franck Leibovici relèvent toujours d’une forme de négociation : jamais produites de façon isolée, coupées du monde, elles sont le produit de conversations, de mises à l’écrit de récits oraux, de va-et-vient avec les acteurs concernés. En ce sens, elles sont un autoportrait médié, plutôt qu’un portrait, de la personne ou du groupe thématisé. Ces cartes ne sont pas historiques au sens propre, car ce n’est jamais seulement une suite d’événements qu’elles rapportent. Pour Eldoradio, c’est la forme même du collectif que la carte cherche à visualiser : une forme qui a permis une production archivale considérable de 50 000 heures radiophoniques, une forme résultant de pratiques quotidiennes, répétitives, de liens affectifs, intellectuels, et de prises de position décisives dans l’histoire de la radio libre.
Franck Leibovici (1975). cartes collaboratives : julien séroussi, (« la compétence universelle (universal jurisdiction) », 2007), armin linke (« l’école de symi », 2008), bernard heidsieck (« la musique », 2009), jean-marie gleize (« lieux », 2009), simon starling (« project for a masquarade - hiroshima », 2010)
LES FRERES DARDENNE
Pour l’exposition Eldoradio sera présenté le film R...ne répond plus, documentaire réalisé en 1981 par les frères Dardenne : durant trois mois, les frères Dardenne ont mené une enquête sur sept radios libres en Europe. Ce vidéo-essai, entre réel et fiction, traduit une volonté d’interroger la réalité à partir des ambivalences du médium. Dans le titre, "R" doit être entendu comme le réel. Ils ne pensent pas que la radio libre puisse donner une parole qui aurait du sens au point d’en changer la société.
Militants et soucieux des problèmes sociaux qui les entourent, les frères Dardenne ont réalisé ensemble de nombreux documentaires depuis les années 1970. Forts de cette expérience, ils passent au long métrage de fiction en 1986 avec Falsch, portrait du dernier survivant d’une famille juive exterminée durant l’Holocauste. Suivront Je pense à vous, puis La Promesse qui obtient en 1995 le prix du Meilleur film belge de l’année. En 1999, leur film Rosetta remporte la Palme d’or au Festival de Cannes et vaut à la jeune Emilie Dequenne un prix pour son interprétation d’une jeune femme confrontée aux difficultés du monde du travail. Egalement producteurs, ils fondent en 1975 la société Dérives avec laquelle ils produisent une soixantaine de documentaires, puis en 1994, Les Films du Fleuve, consacrée à la production de fictions. Les préoccupations des Dardenne tournent autour de la condition sociale, qu’ils dissèquent la caméra vissée sur l’épaule. Le Festival de Cannes reste l’hôte de tous leurs films, qui y sont distingués à chaque fois : pour Le Fils, leur acteur Olivier Gourmet reçoit le Prix d’interprétation, leur ’Enfant’ couronne leur carrière d’une deuxième Palme d’or et Le Silence de Lorna leur fait obtenir le prix du scénario. Tout au long d’une filmographie ancrée toujours plus loin dans le réalisme, les frères Dardenne sont devenus les figures incontournables du cinéma belge.
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Les partenaires de l’exposition :
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