Insolubles solides
- Vue de l’exposition « Insoluble solides », Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, Paris, 2008-2009. Image : Aurélien Mole
Nina Beier et Marie Lund, Cyril Dietrich, Francesco Gennari, Franz Gertsch, Aurélien Mole, Blinky Palermo, Dan Peterman, Frédéric Pradeau, Wolfgang Schindler
Un projet de Cyril Dietrich
Avec Insolubles solides, Cyril Dietrich, nous propose de découvrir l’échantillon d’une collection personnelle possible rassemblant quelques oeuvres réalisées en Europe depuis les années 70. Pour lui, ces oeuvres conserveraient leur caractère problématique, dans la mesure où elles auraient su maintenir leur rapport essentiellement complexe au monde. De ce fait, elles témoignent d’une posture incertaine des auteurs face à leur désir ou bien leur nécessité de faire, sans trahir la nature profondément indéchiffrable de ce qui se présente à eux. Plus que d’autres, ces oeuvres partagent la qualité généreuse de ne pas nous imposer un temps de lecture défini. Ainsi, elles nous permettent (ou nous obligent) de négocier la vitesse, la durée et la trajectoire de notre contemplation.
- Vue de l’exposition « Insoluble solides » avec Cyril Dietrich, Sans titre, 2008. Bétonsalon - Centre d’art et de recherche, Paris, 2008-2009. Image : Aurélien Mole
L’exposition Insolubles solides peut être appréhendée à la lecture des mots de Francis Ponge dans Proêmes (Ed. Gallimard, 1948) :
La forme du monde
Il faut d’abord que j’avoue une tentation absolument charmante, longue, caractéristique, irrésistible pour mon esprit.
C’est de donner au monde, à l’ensemble des choses que je vois ou que je conçois pour la vue, non pas comme le font la plupart des philosophes et comme il est sans doute raisonnable, la forme d’une grande sphère, d’une grande perle, molle et nébuleuse, comme brumeuse, ou au contraire cristalline et limpide, dont comme l’a dit l’un d’eux le centre serait partout et la circonférence nulle part, ni non plus d’une "géométrie dans l’espace", d’un incommensurable damier, ou d’une ruche aux innombrables alvéoles tour à tour vivantes et habitées, ou mortes et désaffectées, comme certaines églises sont devenues des granges ou des remises, comme certaines coquilles autrefois attenues à un corps mouvant et volontaire de mollusque, flottent vidées par la mort, et n’hébergent plus que de l’eau et un peu de fin gravier jusqu’au moment où un bernard-l’hermite les choisira pour habitacle et s’y collera par la queue, ni même d’un immense corps de la même nature que le corps humain, ainsi qu’on pourrait encore l’imaginer en considérant dans les systèmes planétaires l’équivalent des systèmes moléculaires et en rapprochant le télescopique du microscopique.
Mais plutôt, d’une façon tout arbitraire et tour à tour, la forme de choses les plus particulières, les plus asymétriques et de réputation contingentes (et non pas seulement la forme mais toutes les caractéristiques, les particularités de couleurs, de parfums), comme par exemple une branche de lilas, une crevette dans l’aquarium naturel des roches au bout du môle du Grau-du-Roi, une serviette-éponge dans ma salle de bain, un trou de serrure avec une clef dedans.
Et à bon droit sans doute peut-on s’en moquer ou m’en demander compte aux asiles, mais j’y trouve tout mon bonheur.
1928.
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