Catedra Arte de Conducta
Créée par Tania Bruguera
La Cátedra Arte de Conducta (centre d’étude de l’art du comportement), créée en janvier 2003 par l’artiste Tania Bruguera, est un projet artistique prenant la forme d’une école pour l’art politique à Cuba. En suivant la recherche de Bruguera portant sur les manières selon lesquelles l’art peut être intégré à la politique et comment il peut être utilisé pour transformer la société, ce projet, sous la protection de l’Instituto Superior de Arte de la Havane, est le premier programme du genre en Amérique latine.
Cette école est née « d’une volonté de créer un espace de formation alternatif, centré sur la discussion, l’analyse des comportements sociaux et la compréhension de l’art comme moyen de dialogue avec la réalité et l’actualité civique ». Ce projet d’école d’art s’inscrit volontairement à un niveau international tout en s’attachant à se frotter à des questions spécifiques locales : échange d’étudiants avec The San Francisco Art Institute, visite d’artistes et de penseurs internationaux, une présentation du travail des participants à la Biennale de Kwangju en Corée du Sud et l’année prochaine à la Biennale de Liverpool en Angleterre.
Un programme d’étude ouvert vers différents domaines de savoir et de questionnements (tel que l’anthropologie, la sociologie, le journalisme, les sciences politiques, les mathématiques, l’histoire, l’histoire de l’art, etc) combinant différents formats d’enseignement (cours, discussions publiques, conférences, workshops, rencontres entre écoles, exposition de fin d’année, etc) permet une riche intégration d’une idée artistique selon une méthodologie et des outils scientifiques. L’accès direct aux dernières discussions théoriques centrées sur la construction d’une pratique artistique socialement engagée et le rôle de l’art dans la société sont fondamentaux. La création d’une librairie spécialisée et d’archives liées aux activités de l’école facilite la circulation d’informations sur l’art le plus contemporain, mais aussi une histoire de l’art cubain en devenir.
« Les recherches menées actuellement interrogent les limites du milieu artistique, la relation entre art, vie et société, les paradoxes de l’identité culturelle, la représentation de la réalité environnante, les conventions, la mémoire collective, les conditions historiques et l’idéologie. […] La Cátedra Arte de Conducta a pris l’éducation à la fois comme point de départ et comme finalité. Elle a érigé en précepte l’idée que la formation des nouvelles générations intellectuelles est l’alternative la plus viable pour opérer un changement dans le long terme sur la vision de la fonction sociale de l’art et du monde spirituel d’un peuple. C’est un espace qui offre à ses participants la liberté nécessaire pour assumer des risques artistiques et explorer de nouvelles et multiples manières de penser et d’interagir avec la réalité » selon Tania Bruguera. Aujourd’hui, l’école a fermé après plus de cinq années d’existence, mais son activité continue sous la forme de productions de projets des artistes qui en sont diplômés.
_ Présentation du travail de Tania Bruguera
Réagissant à la question de savoir si une exposition pouvait jouer un rôle politique, comme une usine, une rue ou une université , l’artiste Tania Bruguera a répondu « je crois que cela n’est pas seulement possible, mais, aujourd’hui, c’est le « challenge » de l’art. Je crois qu’il y a des éléments structurels appartenant à cette recherche : l’idée d’un art contextuel, l’idée d’un art utile, le besoin de bouleverser la réception de l’art, la construction d’un nouveau rôle du spectateur, et l’abandon de l’idée d’un art éternel » . Développé lors de sa résidence au 104 à Paris en 2007, le projet PPM « Parti du Peuple Migrant » s’inscrit dans le contexte géopolitique contemporain en abordant la question de la représentation politique des migrants à travers des débats et des manifestations. Son travail, nourri de ses racines cubaines et de son expérience internationale, dissèque les stratégies de l’idéologie, du pouvoir, du post colonialisme, de l’émigration, des discriminations du pouvoir… Elle travaille en s’appropriant les outils utilisés par le pouvoir.
Ces idées sont évoquées dans Tatlin’s Whisper #5 (2008, Tate modern), performance dans laquelle deux policiers à cheval et en uniforme contrôlent la foule des spectateurs incrédules mais obéissant aux injonctions.
« Depuis 1986, je travaille sur la question du corps comme espace social et politique. Mon travail récent utilise le comportement comme principale source de l’étude des perceptions émotionnelles et éthiques. Je cherche des outils comme la mémoire et la rumeur pour agir dans la distribution et l’archivage de l’information. J’appelle ceci « Arte de conducta » (art du comportement) » selon Tania Bruguera. Son travail de performance, interroge les champs de l’esthétique et du politique – définis par Jacques Rancière – en créant des situations ; « dans le monde de Bruguera, les concepts de liberté, et d’auto détermination ne sont pas des idéaux abstraits, mais des réalisations qui inscrivent leurs effets sur notre monde physique » a écrit Eleanor Heartney dans la revue Art In America. Une autre idée souvent mise en question dans son travail est la question de l’auteur. Transposées en installations habitables par le spectateur, ces performances deviennent des « dispositifs » où il est demandé au spectateur d’agir comme un citoyen ; dans Untitled (Havana) (2000) le spectateur devait traverser un tunnel de prison militaire très sombre, dont le sol était recouvert de feuillages de canne à sucre, avant de voir un montage vidéo d’un discours de Fidel Castro. L’artiste, va au-delà de la représentation de situations politiques en les créant au sein de ses oeuvres.
Tania Bruguera est née en 1968 à Cuba ; elle vit et travaille à la Havane et aux Etats-Unis.
Plus d’infos sur www.taniabruguera.com
Présentation du travail des étudiants de Tania Bruguera
Plus d’infos sur les étudiants, cliquez sur leur nom
Jeannette Chàvez (Plus d’infos...)
Jeannette Chàvez, Núria Güell, Carlos Martiel, Francisco Masó Alfonso, Adrian Melis, Levi Orta et Alejandro Ulloa Rodriguez
- Jeannette Chàvez, En changeant d’Etat, 2005. C’est sur le chapeau et les épaulettes que se trouvent les insignes qui désignent le grade du militaire. Il s’agit d’un Major et j’ai ajouté à l’étoile qui représente son titre, la queue d’une comète. A présent, il est lieutenant-colonel. –
- Adrian Melis (diplômé de Arte de Conducta), Vigile – [projet bon, beau et bon marché], Documentation vidéo (4:30), 2005-2006 « Dans notre pays, il existe des institutions dont les ressources sont constamment victimes de détournements. Parmi ceux là, les menuiseries de l’Etat. En utilisant mes relations avec le gardien de l’une d’elle, j’ai obtenu une certaine quantité de bois provenant de cette institution et je l’ai ensuite employée pour construire un poste de surveillance dans ce même centre. » –
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